Trois frères, un seul souffle : la médecine chinoise comme art de prévenir
Voici une anecdote célèbre, à la frontière de l’histoire et de la légende, qui illustre l’esprit profond de la médecine chinoise :
L’histoire des trois frères Bian Que
Il y a fort longtemps vivait un médecin légendaire nommé Bian Que. Il avait deux frères, également médecins. Un jour, un seigneur lui demanda :
— “Parmi vous trois, qui est le meilleur médecin ?”
Bian Que répondit sans hésiter :
— “Mon frère cadet est le meilleur. Vient ensuite mon frère aîné. Quant à moi, je suis le moins bon des trois.”
Surpris, le seigneur demanda pourquoi, puisqu’il était le plus célèbre.

Bian Que répondit :
— “Mon plus jeune frère soigne les maladies avant même qu’elles ne prennent forme, si bien que ses patients ne savent même pas qu’ils étaient malades. Mon frère aîné traite les déséquilibres dès leurs premiers signes : il les intercepte à peine perceptibles. Mais moi, je ne peux guérir qu’une fois que la maladie est visible et installée. C’est pourquoi mon nom est connu dans tout le royaume : parce que mes patients étaient déjà malades, et que je les ai sauvés. Mes frères, eux, préviennent silencieusement… et nul ne parle d’eux.”
Cette anecdote illustre la vision subtile et préventive de la médecine chinoise, où l’art suprême du soin réside dans la capacité à percevoir les déséquilibres avant qu’ils ne deviennent pathologiques.
Cette légende des trois frères Bian Que nous vient du “Han Feizi”, un texte fondamental du courant légaliste chinois, attribué à Han Fei, un penseur du IIIe siècle av. J.-C., contemporain de la période des Royaumes combattants.
Source originale :
ce passage se trouve dans le Han Feizi (韓非子), chapitre 1, intitulé Nan Yi (難一).